Julia Cattin préside et dirige Manuvit, une entreprise française spécialisée en solutions de manutention. À seulement 31 ans, elle est déjà à la tête de l’entreprise normande anciennement dirigée par son père. Chose à laquelle elle ne se prédestinait absolument pas. Plutôt branchée ONG et se voyant travailler à l’international, c’est en fait à l’âge de 26 ans qu’elle se retrouve aux commandes de Manuvit et qu’elle récupère l’entreprise en situation d’urgence.
Dans cet épisode d’Industrial Growth, on discute de cette précoce prise de fonctions, mais aussi de l’importance du branding dans l’industrie et le futur qui est réservé à cette dernière avec le Covid comme “appetizer” !
Manuvit a été fondé en 1984 à la Ferté Macé. À l’époque naît la volonté de faciliter tout type de travail de manutention. Par le biais de conception et fabrication de solutions en tous genres, Manuvit s’impose rapidement dans le secteur et voit sa marque connaitre un réel développement quand le père de Julia Cattin, Roland, récupère la société en 2004.
À la suite du tragique accident de son père, Julia gouverne l’entreprise dès 2015 et la fait changer de dimension : déploiement international, augmentation par trois de la superficie de l’usine, nouvelles gammes tout en gardant le savoir-faire propre à Manuvit.
Cette prise de fonctions très jeune s’est faite par nécessité, il n’a jamais été question d’une continuité familiale dans la gouvernance de l’entreprise, Roland Cattin ayant toujours tenu ses filles éloignées de ses affaires professionnelles, lui qui gérait, selon sa fille, de manière “assez secrète” Manuvit. Au moment où elle perd son père, Julia récupère l’entreprise dans une situation d’urgence et la défend devant les tribunaux.
Souvent est demandé à Julia - une CEO qui ne connaissait pas grand-chose de l’industrie il y a encore quelques années - d’où lui vient sa légitimité à diriger une telle entreprise. Pour elle cette succession s’est faite naturellement et avec passion, elle a défendu avant tout l’honneur de son père et de la famille et ne se posait pas de question, elle a simplement foncé et sauvé Manuvit.
Pendant trop longtemps dans l’industrie la culture produit a été délaissée, avec des logiques encore aujourd’hui certaines fois trop standardisées.
Pour Julia Cattin, ne pas chercher à se différencier est l’un des gros problèmes de l’offre industrielle. Elle en a fait l’expérience dans la vie de tous les jours en se rendant compte qu’elle n’était pas capable de reconnaître si les diables qu’elle croisait dans la rue étaient ceux de Manuvit ou non.
Le problème selon elle est que trop souvent on retrouve :
Ces similarités peuvent s’expliquer par le manque de volonté ou de connaissance des industriels sur la différenciation. Le design est toujours perçu par certains comme relevant seulement du B2C alors qu’il a tout autant sa place dans le B2B. Et il n’est pas uniquement question de “joli, pas joli” comme l’explique Julia, le design c’est l’usage. C’est justement ce qu'elle cherche à apporter au quotidien à Manuvit, une véritable culture produit, avec la volonté de travailler sans cesse sur l’innovation. Elle défend farouchement l’importance de la marque, de réussir à dégager une identité et défendre les valeurs de son entreprise.
En dehors du digital qui a déjà fait un bon bout de chemin dans l’industrie, les prochains défis selon Julia Cattin vont être principalement écologiques. Comment continuer de produire tout en étant propre et viable d’un point de vue environnemental ? Bien que pendant longtemps seules les industries d’emballages et de plastiques fussent pointées du doigt on remarque aujourd’hui de plus en plus des secteurs comme ceux de la chimie ou de l’agroalimentaire être incriminés.
Pour ceux qui n’arriveront pas à réinventer leur modèle et s’adapter aux nouvelles normes, notamment chez les plus grosses industries qui ne soucient pas toutes de l’environnement, il va bientôt être question de survie.
La Covid-19 a donné un aperçu des passionnants challenges qu’allait devoir relever l’ensemble des acteurs industriels dans les prochaines années, notamment la question de la souveraineté nationale qu’on évoquait déjà avec Thibault Benne de chez Benne SA.