Dans cet épisode podcast Industrial Growth, nous avons rencontré Héléna Jérome, CEO et cofondatrice de Safehear.
Après un Master en Management de l’Innovation, Héléna s’est lancée, il y a tout juste 3 ans, dans le marché de l’industrie. Une prédisposition ? « Pas du tout », s’amuse la jeune entrepreneuse, « l’industrie je n’y connaissais rien, je n’avais jamais visité une seule usine avant de me lancer là-dedans ».
C’est en effet lors d’un concours d'entrepreneuriat étudiant que Héléna rencontre Antoine, l'autre cofondateur. À la sortie de leurs études, les jeunes diplômés se jettent dans le grand bain de l’industrie avec une innovation : LOUIS, un boîtier de communication pensé pour rendre intelligentes les protections auditives utilisées par les collaborateurs des usines.
L’idée ? « C’est Antoine qui l'a eue », explique Héléna. Après avoir travaillé dans l'événementiel et participé à de nombreux festivals, Antoine souhaitait apporter de l’amélioration aux protections auditives existantes, jugées trop obsolètes à son goût. Et c’est ainsi que l’aventure de la startup Safehear commence.
Dans cet article, découvrez comment Héléna et Antoine se sont lancés dans le monde de l'industrie, avec seulement une idée et leur diplôme en poche.
Comment “Les Meufs de l’Industrie” est devenu un média à part entière pour SafeHear
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Créer un produit pour l’industrie alors qu’on n’y connaît rien, ça vous parait saugrenu ? C’est pourtant le pari d’Héléna et de son associé - Antoine - pour apporter une solution concrète à la problématique des protections auditives dans les usines. Mais quelles sont les étapes d’un tel défi ?
« Se lancer dans un marché B2C c’est compliqué », débute Héléna. Pour choisir un marché plus facile d’accès et plus rentable, les deux entrepreneurs ont l’idée de se tourner vers l’industrie.
Avec les bruits des machines, la loi oblige de porter un casque anti-bruit. Si ceux-ci font un travail remarquable, ils posent un problème de taille : celle de couper les communications entre les employés. Et comme l’explique Héléna, cette conséquence entraîne deux types de problématiques :
En cas d’urgence, un problème de communication peut entraîner des blessures ou des accidents mortels, notamment lors de travaux sur des grosses machines.
C’est pour répondre à ces problématiques qu’Héléna et Antoine ont conçu “LOUIS”, un petit boîtier ergonomique relié à une protection auditive. Pensé pour les personnes qui travaillent dans un environnement bruyant, ce produit permet à la fois de se protéger et de s’entendre.
Après 2 ans de R&D, Safehear a testé son produit avec une première pré-série d’une centaine d'unités. Grâce à l’implication d’une équipe de 14 personnes, “LOUIS” s’est imposé comme LA solution auditive à la pointe de la technologie : le produit analyse l’environnement sonore, détecte les fréquences des voix puis les rehausse avant de les transmettre de façon claire et intelligible aux interlocuteurs.
Ce système, conçu pour assurer une communication naturelle, assure une utilisation facile et intuitive. Quelques “LOUIS” ont d’ors et déjà atterri dans les mains de quelques industriels pour une démonstration.
« Aujourd’hui, le challenge pour Safehear c’est de trouver des fonds », souligne Héléna.
Si ce boîtier de communication Plug & Play est assurément une révolution, cette technologie Made In France a un coût. Alors comment vendre son produit aux industriels ? Pour Héléna, la technique pour s’implanter c’est de « commencer avec des marges moins importantes, voire négatives », mais de mettre le produit directement dans la main des utilisateurs pour les conquérir rapidement. Par la suite, réindustrialiser en plus grosse quantité permettra de pouvoir ajuster le prix.
Pour l’instant, « l’idée plaît mais on ne mesure pas encore son impact et la valeur pour l’utilisateur », confie Héléna. Avec un prix qui varie entre 500E et 700E, la vente de LOUIS s’effectue de plusieurs façons :
Si l’achat d’un LOUIS peut représenter un coût aux yeux des entreprises, il ne faut pas perdre de vue que cette technologie permet un gain de production et, surtout, d’éviter les erreurs. « Les accidents du travail peuvent coûter jusqu’à 400 000E pour une entreprise », rappelle Héléna, « il faut montrer que la prévention, c’est rentable ».
« Il faut montrer que la prévention, c’est rentable. »
« Le mieux, c’est de se faire accompagner », explique la startupeuse. Soucieux de concevoir un produit “Made In France” et d’assurer un suivi constant de leur produit, Héléna et Antoine ont choisi de se tourner vers des entreprises françaises.
Pour trouver leur entreprise de production, les deux entrepreneurs ont fait confiance à l’écosystème lyonnais. « On a essayé, on a testé la compatibilité professionnelle » explique Héléna. Si leur projet a rapidement reçu le soutien de grandes entreprises lyonnaises, Héléna insiste sur la nécessité de sécuriser sa production en faisant appel à de multiples entreprises, “en plan B”.
En s'immisçant dans le monde de l’industrie, Hélèna a constaté le peu de place faite aux femmes dans les entreprises industrielles. « Les interlocuteurs sont très souvent des hommes (...), je vois des femmes, mais cachées derrière leurs machines ! ».
C’est en partant de ce constat qu’Héléna et ses collaborateurs ont l’idée de donner de la visibilité à ces femmes - en les interviewant. Une page LinkedIn et un compte Instagram plus tard, voilà le concept créé sous le nom de Les Meufs de l’Industrie.
« Ça a cartonné ! », s'enthousiasme Héléna. Si en seulement quelques mois la page a atteint les 5000 abonnés, c’est parce que Les Meufs de l’Industrie participe à la valorisation des femmes dans les grands groupes industriels et aide ce secteur à revaloriser son image. « Les industriels ont du mal à recruter », explique Héléna. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce problème :
Les Meufs de l’Industrie c’est donc l’espoir de montrer aux jeunes générations que le secteur industriel n’est plus si archaïque, et qu’il est possible - en particulier pour les femmes - de rejoindre ce secteur et de s’y épanouir.
Outre le business et la notoriété que cette initiative a recueilli, Les Meufs de l’Industrie est un véritable coup de comm' pour Safehear : cela a permis à Héléna d’entrer en contact avec de nombreuses entreprises industrielles pour présenter le produit LOUIS.
On cherche souvent un coupable à pointer du doigt lorsque l’on évoque la difficulté de recruter dans l’industrie. « Je pense qu’il y a plusieurs raisons et chacun a sa part de responsabilité », confie Héléna. Pour embaucher, la startupeuse propose plusieurs solutions :
« La culture évolue : je vois de plus en plus de jeunes qui arrivent dans les industries », souligne Héléna. Un constat qui donne du baume au cœur !
Si Héléna et Antoine ont fait le choix de produire LOUIS en France, c’est parce que les efforts de réindustrialisation de ces dernières années commencent à porter leurs fruits. « Les financements mis à disposition aident les entreprises à se réindustrialiser en France », affirme Héléna. À cela s’ajoute la volonté des entreprises de tendre vers une production plus verte et moins polluante.
Un propos qu’Héléna nuance cependant, expliquant que certaines startups - notamment celles en hardware - peinent à trouver des financements car encore trop considérées comme “à risques”.
« Ça va prendre du temps, mais il faut rester optimiste », conclut-elle.
Si Héléna a commencé notre entretien en affirmant ne rien connaître à l’industrie, elle a démontré qu’il était possible de se lancer dans l’aventure - et de réussir !
En seulement 3 ans, la startup Safehear a réussi à élaborer et à concevoir un produit révolutionnaire. Il n’y a pas de recette miracle : « il faut y croire », rappelle Héléna. Une phrase qui sonne comme un motto pour la jeune entrepreneuse.
Alors y a-t-il une place pour les “meufs” dans l’industrie ? Pour moi, c’est un grand oui !