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Challenges et ambitions d’une ETI industrielle agricole : entretien avec Romain Serratore

Rédigé par Camille Folliot | 08/02/21 08:00

Romain Serratore est directeur industriel au sein de la société Pellenc, constructeur français de machines et d’équipements pour l’agriculture et l’entretien d’espaces verts.

C’est à l’approche de la quarantaine que ce niçois diplômé d’HEC décide de quitter le groupe Electric Schneider, dans lequel il a fait ses gammes dès la fin de ses études, et part à la recherche d’une nouvelle opportunité.

Il souhaite rejoindre une plus petite société, dans laquelle il pourrait avoir la main sur la réflexion stratégique puis la mettre en place. Il rejoint ainsi Pellenc, il y a quatre années de cela, entreprise basée dans le sud de la France vers Aix-en-Provence.

Il partage avec franchise et transparence les challenges que connaît la société aujourd’hui, en évoquant évidemment la question de la pandémie mais aussi celles des tendances protectionnistes et d’un commerce de plus en plus polarisé pouvant influer sur le monde de l’industrie.

Des problèmes de riches dans l’industrie ?

 

Pellenc est positionné sur le marché agricole et celui des espaces verts et réalise 60% de son chiffre d’affaires à l’export. Elle se donne pour mot d’ordre “faciliter le travail de l’homme avec le respect de la nature”. Présent dans plus de 55 pays, avec 7 usines au total, le groupe connaît des “problèmes de riches” pour reprendre les mots de son directeur industriel. En effet, la société double son chiffre d’affaires tous les cinq ans, une croissance énorme qui doit être absorbée.

Les challenges auxquels est confrontée Pellenc ne sont pas forcément ceux que l’on pourrait imaginer d’une ETI, surtout après être passé dans un grand groupe du CAC 40, nous confie Romain.

Le secteur agricole est soumis aux aléas météorologiques et toutes les activités qui l’entourent sont très saisonnières. Ainsi certaines périodes, de grande récolte notamment, obligent l’entreprise à décupler son activité et bien respecter les délais si précieux pour ce genre de production.

Et évidemment chaque client à travers le monde n’opère pas au même moment, ni de la même manière. Il y a donc tout un travail de planification qui doit être fait en plus d’adaptation. Cela donne ainsi une variété de gammes extrêmement large pour répondre à tous les besoins des clients, en devant en plus s’adapter à certaines lois du marché, le secteur étant très changeant.

La dure vague de Covid-19

 

Pour plusieurs industriels, la période de crise du Covid-19 a permis de se restructurer, revoir ses priorités etc.

Chez Pellenc, la phase a été compliquée et surtout très frustrante. Dans toute entreprise chaque manager s’est interrogé sur comment répartir son temps entre piloter le court terme et se donner une vision et des orientations. Romain Serratore estime lui que lorsqu’il passe trop de temps dans du “trop court terme”, il ne rend pas service à l’entreprise.

Et évidemment avec la pandémie, l’horizon de travail s’est énormément raccourci, ne pas avoir d’idée sur comment vont se passer les mois et années à venir est assez problématique dans une entreprise de ce secteur. Toutes les certitudes qui faisaient la réussite et la prospérité de l’entreprise se sont en quelques sortes envolées, et ont laissé place à plus de prudence, de réflexion sur la gestion de l’activité. Ainsi la période était beaucoup moins plaisante, et surtout humainement. Bien que pour certains industriels, les outils numériques suffisaient, chez Pellenc très vite le manque de contact humain s’est fait ressentir.

Pour évoluer et conduire de réelles transformations, les outils de visioconférences et autres sont trop limités selon Romain. Il y eut alors tout de suite cette volonté de créer un environnement de travail sain et sûr pour continuer de travailler en équipe… Cependant l’accent était tellement mis sur la sécurité dans le but de protéger les employés, que là encore il y eut un oubli de l’une des bases du management : la communication. Réunir ses équipes dans un tel contexte est un vrai plus mais ces mêmes gens ont besoin d’être rassurés, d’échanger.

Dans le secteur agricole où il est impossible d’être en télétravail, cela n’aurait pas de sens pour une entreprise basée sur ce secteur d’arrêter d’aller à l’encontre de ses clients. Les hommes et femmes qui constituent Pellenc sont des passionnés qui connaissent et aiment aller à la rencontre de leurs clients qui rien ne les en empêcheraient.

Écologie & relocalisation

 

Enfin les grandes tendances du commerce international qui se sont encore plus renforcées avec la pandémie ne facilitent pas la tâche pour des groupes comme Pellenc. Le Covid-19 a été en fait un accélérateur de phénomènes sous-jacents, où le monde et les activités se régionalisent de plus en plus. La politique de Trump pendant quatre ans est l’exemple de cette modification, tout comme les accords de libre échange par région, l’ACEUM en Amérique ou le RCEP en Asie-Océanie, qui se multiplient.

De plus, la tendance de la relocalisation, devant servir à retrouver une souveraineté nationale, est dans toutes les bouches mais est en réalité très complexe à mettre en place. Il suffit de voir la difficulté pour trouver des accords concernant l’implantation d’une usine par exemple, les discussions pouvant durer des dizaines d’années.

La montée de l’écologisme ne facilite pas la tâche, et on tombe vite dans une impasse. La France veut d’un côté relocaliser, pouvoir ne compter que sur ses industries, mais d’un autre côté craint que celles-ci soient trop polluantes. Et le secteur agricole est l’exemple parfait de ce paradoxe, considéré comme un secteur clé pour la souveraineté du pays, cependant la machine elle n’est pas vue comme partie intégrante de ce secteur, ce qui a le don d’écoeurer des professionnels de l’industrie agricole comme Romain Serratore…